Rares sont les femmes qui font carrière en tant que freelance tech et data. Mais pour celles qui parviennent, la différence de rémunération par rapport aux hommes est nettement moindre que dans le secteur privé en général. Les femmes qui réussissent à se faire une place peuvent prétendre à un niveau de rémunération équivalent et parfois même supérieur à celui des hommes… à condition d’avoir une carrière suffisamment longue.

Les chiffres sont formels : le travail en freelance encourage davantage la parité de rémunération femmes-hommes que le travail salarié. Cela est particulièrement vrai dans notre secteur du freelancing tech et data, où les femmes peuvent gagner jusqu’à 6 % de plus que les hommes, avec des compétences spécifiques et après un certain nombre d’années d’expérience — entre 7 et 9 ans, ce qui souligne la patience et la persévérance de ces femmes.

Globalement, les femmes freelances gagnent 3,8 % de moins que les hommes dans le secteur tech et data. En 2018, selon l’INSEE, les salaires moyens chez les femmes, tous métiers confondus, étaient inférieurs de 16,8 % à ceux des hommes, pour un poste équivalent. Le freelancing tech et data est donc une exception encourageante dans un monde du travail inégal. Pour autant, même dans ce secteur, tout n’est pas rose. Les femmes sont fortement sous-représentées, et peinent à atteindre le niveau de séniorité nécessaire pour atteindre un Taux Journalier Moyen (TJM) égal ou supérieur à celui des hommes. Nous nous sommes penchés sur la question.

Nous avons analysé les données de 28 920 freelances tech et data basés en France. Dans l’ensemble, la parité femmes-hommes semble équilibrée, et penche même légèrement du côté des femmes. Leur TJM est de 521 € contre 503 € pour les hommes, à condition de faire la moyenne sur 10 ans (le médian du nombre d’années d’expérience dans nos données). Après 9 ans d’expérience, les femmes ont un TJM de 478,50 €. Les hommes, eux, atteignent un TJM de 507 € lorsqu’ils dépassent les 10 ans d’expérience. Cela fait écho à l’écart de rémunération moyen de 3,8 % en faveur des hommes. Ces données sont plutôt encourageantes, mais il faut faire attention à bien lire entre les lignes.

L’ancienneté profite aux hommes

En ce qui concerne l’égalité femmes-hommes, l’ancienneté et les années d’expérience ne sont pas des critères aussi neutres que l’on voudrait bien le croire. Les femmes peinent à facturer autant d’heures que les hommes, notamment parce qu’elles s’occupent beaucoup plus du travail domestique et des enfants. La maternité n’est que l’un des nombreux défis que doivent relever les femmes dans leur travail. Une étude récente de Girls Who Code sur le travail des femmes aux États-Unis révèle que la moitié des femmes dans le secteur de la tech renoncent à leur carrière avant l’âge de 35 ans. La principale raison évoquée est le manque d’inclusivité dans la culture des entreprises, qui peut aller d’une absence de promotion jusqu’au harcèlement sexuel. Discriminées et négligées, les femmes sont découragées par le manque de flexibilité des entreprises et l’absence d’exemples inspirants.


La sous-représentation : un problème qui s’aggrave

 
La deuxième raison évoquée est à la fois décevante et peu surprenante : dans le freelancing tech et data, les femmes sont largement sous-représentées. Si elles ne sont pas exhaustives, nos données offrent un échantillon représentatif de la population des freelances tech et data. D’après nos chiffres, il y a 7 fois  plus d’hommes que de femmes dans ce domaine (3 143 femmes pour 23 158 hommes). Cet écart énorme s’explique par les raisons évoquées un peu plus haut, mais aussi par un contexte historique de sous-représentation des femmes dans les disciplines comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Là encore, cette sous-représentation est due à un manque d’inclusivité dans la scolarité et les études supérieures. La même disparité entre hommes et femmes se retrouve jusque dans la répartition des langages utilisés en développement web.




Une minorité de pionnières

Les femmes qui persistent dans la voie difficile du freelancing tech et data, malgré ces inégalités, finissent par obtenir un TJM égal ou supérieur à celui de leurs homologues masculins. Il existe une sorte de palier autour de la septième année d’expérience. C’est encore plus visible si l’on s’intéresse à certaines technologies comme le langage Java, où les femmes avec sept ans d’expérience ont un TJM de 609 €, contre 566 € pour les hommes. Au sein d’une même catégorie de métier en freelance, après trois années d’expérience, l’écart de rémunération en faveur des hommes est de l’ordre de 20 € par jour. Sur des services comme le développement PHP, les femmes avec moins de deux ans d’expérience gagnent là aussi 20 € de moins que les hommes par journée de travail. Et il faut attendre huit ans de carrière pour que la tendance s’inverse. C’est comme si ces quelques femmes qui ont tenu la distance pouvaient enfin prouver, après sept ans d’expérience en freelance, qu’elles méritent un meilleur tarif journalier.



Rémunération non négociable... ou difficilement négociable

Virgile Raingeard, expert en parité femmes-hommes et fondateur de Figures, un outil en ligne pour analyser les salaires en start-up, explique que la négociation joue un rôle déterminant dans l’écart de rémunération hommes-femmes. Plus il y a de marge de négociation sur le salaire, mieux les hommes s’en sortent par rapport aux femmes. Une étude récente menée par Figures montre un écart de -26 % pour les salaires moyens des femmes cadres dans la Vente, à des postes comme Responsable Commerciale, Directrice de Vente ou Directrice des Recettes. Dans ce type de poste, la négociation est une étape déterminante qui a un gros impact sur la rémunération. Virgile Raingeard ajoute : « En moyenne, les femmes à ce type de postes sont payées 26 % de moins que leurs homologues masculins, à responsabilités, séniorité et conditions de travail égales. Les postes de cadre dans la Vente sont ceux où les salaires se négocient le plus, tout simplement. » À l’inverse, le freelancing tech et data est probablement l’un des postes où les salaires se négocient le moins. D’ailleurs, ces rôles sont souvent contractualisés via une plateforme digitale intermédiaire. Peut-être que l’écart de 3,8 % entre les salaires moyens des femmes et des hommes reflète la marge de négociation possible pour les freelances en tech et data. 
Passer par une plateforme tierce permet aux freelances d’éviter l’étape de la négociation, qui trop souvent rime avec discrimination. Étant donné leur statut, les freelances évoluent sans hiérarchie, il·elle·s ne sont donc pas concerné·e·s par les grilles de salaires selon le rôle, qui jouent souvent en défaveur des femmes. Quand il est question de rémunération, le domaine tech et data valorise davantage les chiffres concrets que l’éloquence, ce qui permet de rester sur terrain relativement neutre. Le freelancing tech et data pourrait-il ouvrir la voie à la parité dans la rémunération femmes-hommes ? Chez Comet, nous voulons y croire et ferons tout notre possible pour créer un monde du travail plus juste.


Conclusion

Pour que la situation s’améliore, le monde du travail doit évoluer. Aujourd’hui, les équipes IT occupent une place centrale dans la plupart des entreprises, et ce sont les freelances qui leur donnent l’énergie nécessaire pour devenir agiles et réactives. Aux États-Unis, plus de la moitié des travailleur·euse·s en tech et data ont fait le choix d’être en freelance. En France, nous suivons la même tendance. Il est indispensable de se questionner sur l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, non seulement par souci d’équité, mais aussi parce que la diversité encourage l’innovation. Et puis, réduire les biais fait augmenter le cours des actions des entreprises tech, rappelle cette étude américaine menée par Girls Who Code. Selon leur sondage, 91 % des responsables des Ressources humaines soutiennent que le fait d’intégrer à leurs équipes des femmes avec de l’expérience en tech a joué un rôle clé dans le succès de leur entreprise.