Cet article est le premier de notre série d’automne. Nous publierons chaque semaine un témoignage honnête de ce que nous avons traversés avec comet. Depuis septembre 2016, nous nous sommes donnés pour mission d’aider freelances et entreprises à se rencontrer plus facilement, plus rapidement, et à travailler ensemble dans les meilleures conditions. J’espère pouvoir vous apporter un éclairage sur les coulisses d’une année vraiment particulière pour toute l’équipe, mais aussi vous aider si vous passez vous-même par cette situation.

15 juillet 2018. On est champions du Monde ! 🇫🇷 🏆

 

Vingt ans après avoir gagné notre première Coupe du Monde contre le Brésil, les Bleus ramènent le deuxième trophée à la maison. Chez comet, nous avons vécu cette finale magnifique à notre retour de Calvi, où nous venions de passer une semaine d’offsite tous ensemble.

Trois mois plus tôt, on levait 11M€ avec les mutants de Daphni et nos investisseurs historiques de Frst (ex-Otium). C’est la plus grosse Série A du secteur HRtech en Europe, signée après trois semaines intenses. À ce tour de table s’ajouteront 3M€ levés avec la BPI (dette) et l’entrepreneur Fabrice Grinda. Celui-ci est particulièrement réputé pour avoir investi très tôt dans des marketplaces comme Uber, Airbnb ou Alibaba. C’est donc avec 14M€ en banque et tous les signaux au vert que nous abordions la fin d’année.

Car nous avions gagné d’autres belles batailles dans notre championnat :

  • Une croissance moyenne de 30%/mois entre janvier 2017 et juin 2018
  • Une équipe exceptionnelle aux valeurs fortes
  • Des recrutements prometteurs pour la rentrée : VP People et VP Sales
  • Premiers deals automatiques réalisés sans intervention humaine
  • Aucune démission depuis le début de l’aventure en septembre 2016

Autant dire que le moral de l’équipe était gonflé à bloc pour la rentrée : période commerciale intense par définition. Nous étions attendus au tournant et avons choisi de foncer tête baissée. Mauvaise idée.

Jugez plutôt :

  • Chute de la croissance : entre 1% et 5%/mois (vs. 30% jusqu’à l’été 2018)
  • Donc explosion du burn (de 150k€ à 500k€/mois)
  • Une équipe trop jeune qui pousse fort, sans résultat

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Alors comment en sommes-nous arrivés là ? Comment nous en sommes-nous sortis ? Et quelles leçons en avons-nous tiré ? Voici comment nous avons raté notre virage post-Série A, mais surtout comment nous nous sommes relevés, encore plus forts.

Septembre-Décembre 2018 : le temps des erreurs

 

À la douce ivresse de l’été s’est succédée une gueule de bois de plusieurs mois. Ce que nous n’avions pas encore réalisé, c’est que tout l’enjeu d’une Série A est de vérifier que les piliers d’une start-up sont assez solides pour passer de l’expérimentation au passage à l’échelle. Et si des CEOs de premier plan comme Jeff Bezos ou Ben Horowitz comparent le quotidien d’un entrepreneur à une suite de décisions à prendre, alors je dois reconnaître que nos plus grosses erreurs depuis la création de comet se sont concentrées sur cette période. Revenons ensemble sur quatre mois de précipitations, fatigue et erreurs de jugement.

🎬 Une erreur de casting révélatrice

 

L’arrivée d’un VP Sales dans l’équipe, et surtout son départ quatre mois plus tard, symboliseront une fin d’année marquée par une croissance non-maîtrisée de nos effectifs. Ce recrutement reflétait parfaitement notre hâte de passer à la vitesse supérieure, alors que les fondations mêmes de comet n’étaient pas encore bien consolidées. Bon vendeur, énergique et doté d’une belle expérience, nous pensions avoir trouvé la perle rare. Son enthousiasme partagé pour une transition rapide vers le format SaaS-based marketplace a fini de nous convaincre.

Seulement, notre empressement nous a fait oublier les principes de base de notre framework de recrutement — basé sur le livre de Geoff Smart et Randy Street, Who: the A Method for Hiring. Car en réalité, celui qui allait devenir notre nouveau VP Sales ne correspondait ni à la scorecard, ni à la complexité de notre marché, ni à notre culture.

L’ironie fait que cette erreur aurait pu être évitée si le calendrier n’avait pas joué en notre défaveur. Car nous avons fait mouche sur le second recrutement crucial de la rentrée : Virgile, VP People. S’il n’a pas pu être être impliqué dans la sélection de notre VP Sales, celui-ci a marqué une nouvelle ère pour les People chez comet. Définition des valeurs, création des scorecards, refonte du processus de recrutement, évaluation de la performance, ou encore mise en place de parcours de développement professionnel : c’est lui qui est à l’origine de l’affirmation de notre plus grande force : l’Humain ! 💃🕺

🌀 La complexité à tous les étages

 

“Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué” aura été le mantra (inavouable) de ces quelques mois. La crise d’adolescence de comet s’est matérialisée par des symptômes caractéristiques de cette étape de vie : une folle envie de passer à l’âge adulte couplée à un gros manque d’expérience.

La difficulté principale que j’ai pu rencontrer en tant que CEO est la transition du statut de “Doer-in-Chief” à celui de “Company-Builder-in-Chief”. Comme l’explique avec brio cette publication de Y Combinator, trois phases jalonnent le parcours d’un CEO de start-up, avec chacune leur objectif respectif :

  • Phase 1 (0–20 employés) : développer un produit utilisé et aimé par ses utilisateurs grâce à une vision novatrice et de solides capacités d’exécution
  • Phase 2 (20–400+ employés) : construire l’organisation qui permettra d’exploiter au maximum le potentiel révélé par le product-market-fit
  • Phase 3 (400+ employés) : réinvestir les revenus tirés du produit principal pour trouver de nouveaux relais de croissance

Pour comet, cette transition a été d’autant plus difficile qu’elle est intervenue à la suite de la Série A : un travail à plein temps pour un CEO, qui m’a fait prendre des distances aussi bien avec l’équipe que le produit. J’avais sous-estimé à quel point cet exercice intense de projection pouvait m’éloigner de la réalité du terrain. À m’imaginer le scenario qui nous permettrait de nous hisser en finale de Coupe du Monde, j’en aurais presque oublié que nous n’en étions qu’aux matches de poules.

La conséquence a été un manque de recul global qui m’a fait passer à côté de tensions et signaux pourtant cruciaux : prédominance d’une culture orale et informelle, adoption inégale du produit par nos clients, user research passée au second plan, manque de vélocité, problèmes de priorisation, communication inter-équipes difficile, etc. S’il est monnaie courante de rencontrer de tels obstacles dans la vie d’une start-up, tout l’enjeu est d’avoir une organisation capable d’y répondre. C’est pourquoi la persistance de ces problèmes conjoncturels nous a fait prendre conscience que comet faisait face à une crise… structurelle.

Un changement de business model prématuré

 

Enfin, que peut-il se produire lorsqu’une start-up prend un virage stratégique majeur sans savoir qu’elle n’est pas prête pour ça ? Invariablement, elle se trompe de bataille. Le passage au format SaaS-based marketplace aura été notre finale de Coupe du Monde 2006 contre l’Italie. Le match semblait gagné d’avance, nous pensions tout connaître de l’adversaire, nous avions selon nous le jeu d’équipe parfait, et nous imaginions une victoire fracassante. Le moins qu’on puisse dire, c’est que rien ne s’est passé comme prévu.

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L’arrivée de notre VP Sales nous a conforté dans notre volonté de lancer sans attendre une offre SaaS. Le timing de la rentrée nous semblait idéal pour développer notre proposition de valeur à grande échelle. La perspective des revenus récurrents inhérents au SaaS, additionnés à l’ajout de revenus transactionnels, nous a fait brûler certaines étapes cruciales :

  • People : Les problèmes d’alignement se sont vite révélés au sein de l’équipe suite à l’arrivée du nouveau VP Sales, qui s’est avéré être très (trop) loin de nos valeurs
  • Data : Notre précipitation vers un nouveau business model nous a fait négliger la user research et l’analyse de nos données pour mieux déterminer les attentes du marché
  • Produit : La confiance (parfois aveugle ?) en notre vision a pris le pas sur nos difficultés à faire utiliser notre front-end à nos clients
  • Pricing : Ce changement n’a pas été accompagné par des évolutions produit majeures, ce qui a pu donner l’impression d’un changement de pricing injustifié
  • Business : Les start-ups représentaient à l’époque 80% des missions signées, mais beaucoup finissaient par nous contourner pour travailler en direct avec des freelances
     

Verdict

 

Le dernier trimestre 2018 n’est pas la consécration espérée mais le premier moment difficile de comet. La période sera marquée par des départs, aussi bien chez les astronautes de la première heure que pour des employés arrivés en cours de la crise. Le VP Sales, remercié avant la fin de sa période d’essai, ne fera pas exception et reflétera notre plus grosse erreur de recrutement depuis le début de l’aventure.

C’est aussi la première fois que l’incertitude va affecter jusqu’à la santé même de notre trio de fondateurs. Si nous connaissions les nuits blanches, nous avions toujours réussi à dormir sur nos deux oreilles. Jusqu’à ce trimestre, où nous pouvions rester éveillés toute la nuit à cause d’insomnies. Nous étions habitués au stress, mais jamais nous n’avions été confrontés à l’anxiété. Jusqu’à ce trimestre, où certains ont connu leurs premières crises d’angoisse.

Comet était en crise, c’est un fait. Mais la fin d’année aura également été celle du retour de la lucidité. Nous avons vécu ce que de nombreux entrepreneurs ont vécu avant nous — et ce que d’autres connaîtront après nous. Nous avons la chance d’avoir pu compter sur deux éléments moteurs de comet : une équipe à la résilience exceptionnelle et un board qui nous a impressionné par sa sagesse. Pour comet, il était plus que temps de se réinventer.

 

Novembre 2018 : l’heure du bilan

 

Le dernier board de l’année a été pour nous une révélation. Que ce soit Bruno [Raillard]Pierre-Eric [Leibovici]Philippe [Germond] ou Laurent [Potel], tous ont su répondre présents et nous apporter les conseils dont nous avions tant besoin.

C’est à ce moment que j’ai su que nous n’avions pas dit notre dernier mot. Car s’il y a bien une bonne décision prise en 2018, c’est de les nommer membres du board au début de l’été. Reste que nous étions là pour leur présenter les chiffres historiquement bas du dernier trimestre. Malgré nos appréhensions, ceux-ci se sont moins concentrés sur nos résultats que sur nos problèmes de fond — et surtout leur résolution.Leur première recommandation : prendre du recul. Pas dans un an, ni quand la croissance reviendrait, mais dès demain. Souffler et réfléchir. Et ce fut probablement le meilleur conseil qu’on pouvait me donner. Car c’est seulement une fois la tête reposée que j’aie pu prendre la mesure de ce qui allait devenir ma grande bataille de l’année à venir :

Composer une équipe dirigeante de folie ! 🔥

Key Learnings

 

  • Ne faites jamais de compromis sur votre culture — surtout lors d’un recrutement. Car pour citer mon ami, co-fondateur et CTO Arnaud Aubry : "Quand il y a un doute, y a pas de doute". 

  • Grandir en tant que CEO, c’est passer de “Doer-In-Chief” à “Company-Builder-In-Chief”.

  • Lors du passage de sa start-up de la Phase 1 à la Phase 2, la mission première d’un CEO est de recruter, onboarder et aligner une équipe dirigeante en or.

  • Efforcez-vous au maximum de prendre du recul sur ce que vous faites — surtout quand ça va mal.

  • Enfin, le conseil le plus dur à appliquer : un CEO en Phase 2 devrait en théorie pouvoir tout déléguer. À trois exceptions près : recruter aux postes-clés, être le garant de l’alignement et communiquer sa vision pour l’entreprise.

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- Cet article a été écrit avec l'aide de Benjamin Perrin, merci à lui !