La mission de comet depuis sa création en septembre 2016, c’est de connecter les meilleurs freelances tech et data avec les plus belles entreprises. Après une levée de 14M€ auprès de fonds et business angels de premier plan (Daphni, Frst [ex-Otium], Fabrice Grinda), nous avons connu nos premières grosses difficultés.

Cet article est le deuxième de notre série d’automne. Que vous soyez entrepreneur ou manager, notre démarche de transparence a pour objectif de vous aider à surmonter ce genre de difficultés. Si vous avez raté notre article précédent, je vous conseille de commencer par le lire pour bien comprendre tous nos enjeux au moment de commencer le premier trimestre de 2019.

Place à la mi-temps

 

Pourquoi n’avons-nous pas atteint nos objectifs ? Comment aurions-nous pu faire autrement ? Quelles leçons devons-nous en tirer ? Et comment éviter que cela se reproduise à l’avenir ?

Après le board de novembre, l’heure était à la prise de recul. Il était temps pour moi de prendre une semaine de break plus que bienvenue. Mais partir loin de l’entreprise que j’avais co-fondée — alors que celle-ci était en pleine crise — et laisser l’équipe derrière moi était loin d’être une sensation agréable.

Me retrouver seul, loin du terrain et sans distraction m’auront pourtant permis de me concentrer (enfin !) sur ce qui s’est passé entre juillet et novembre 2018. Et aussi de me préparer à la prochaine grande bataille qui m’attendait en 2019 : composer une Executive Team de folie ! 🔥

“J’ai vu plus loin que les autres parce que je me suis juché sur les épaules de géants.“ — Isaac Newton

Sur les épaules de géants

 

À mes yeux, Newton avait raison. S’il n’aurait sans doute jamais pu imaginer que ses écrits inspireraient des entrepreneurs au XXIème siècle, je trouve que cette citation reflète parfaitement ce que j’ai vécu en début d’année 2019. Voir plus loin grâce à l’arrivée de géants : c’est exactement la représentation que je me faisais d’une Executive Team exceptionnelle.

Pour grandir en tant que CEO, il est indispensable de savoir s’entourer des bonnes personnes. Il s’agit de déterminer les batailles à prioriser ainsi que celles que nous devrons déléguer pour laisser d’autres y exceller. D’où l’importance de définir des scorecards à horizon 9–12 mois. Et de ne pas perdre de vue que trouver la perle rare prend du temps : plusieurs semaines — voire mois — peuvent être nécessaires pour un seul recrutement. Il faut donc l’accepter et rester déterminé, sans baisser les bras.

⚽️ Feuille de match

 

Pour nous aider à retrouver la croissance et corriger nos erreurs, j’avais donc besoin de trouver nos futurs géants. Heureusement, je pouvais compter sur le travail remarquable de Virgile, notre Head of People arrivé quatre mois plus tôt, et de Judith, Head of Talent chez Frst. Nous étions donc prêts, optimistes et déterminés face à ce défi à relever.

→ Passage de flambeau

Comme l’indique Y Combinator, la mission d’un CEO change radicalement entre la phase 1 de sa start-up (0–20 employés), où il est “Doer-in-Chief”, et la phase 2 (20–400+ employés), où celui-ci devient “Company-Builder-in-Chief”. C’est lors de cette transition que le CEO doit apprendre à tout déléguer pour se concentrer uniquement sur :

  • Le recrutement, l’onboarding et l’alignement de l’Executive Team

  • La mission, la vision, la stratégie et les métriques clés de la boîte

  • L’évolution et l’amélioration de la culture pour suivre le passage à l’échelle

En phase 2, les membres de l’Executive Team deviennent les relais du CEO. Ce sont eux les nouveaux “Doers-in-Chief”. Plus que des managers, ceux-ci seront responsables de l’organisation, de la prise de décision et de l’exécution au sein de leurs équipes respectives. D’où l’importance de recruter des individus extrêmement polyvalents, qui sont à la fois des managers hors pair et des experts dans leur domaine.

→ Nouveau capitaine

Mais surtout, cette Executive Team avait besoin d’un chef-d’orchestre. Ce rôle est traditionnellement réservée au COO de l’entreprise : un rôle que mon co-fondateur Valentin occupait en phase 1 de comet. Mais comme pour le CEO, les attentes du poste changent radicalement en phase 2.

En français, un COO est l’équivalent d’un Directeur Général, là où le CEO désignerait le Président d’une entreprise. Le COO doit s’assurer que les équipes travaillent efficacement, dans la même direction, et atteignent leurs objectifs. Pour cela, il doit mettre en place des process efficaces pour faciliter la prise de décision et la résolution de problèmes.

Or, Valentin était extraordinaire dans l’exécution, le bootstrapping, le passage de 0 à 1, mais avait moins d’affinités avec le management. C’était lui le meilleur commercial historique de comet. Celui-ci allait donc revenir sur le terrain pour aider les équipes Sales et Opérations à sur-performer.

Important : Recruter des proches parmi ses premiers employés ou — plus risqué encore — créer une start-up avec un ami est souvent déconseillé. Personnellement, je pense que cela en vaut vraiment la peine. Mais cela peut mettre en péril non-seulement votre entreprise, mais aussi (et surtout !) votre amitié. Or, la transition d’une start-up de la phase 1 à 2 est typiquement le genre de moment propice au conflit. Fort heureusement, nous en étions tous deux conscients avec Valentin et avons passé cette étape sans difficultés. J’en profite d’ailleurs pour le remercier ici une nouvelle fois pour sa résilience et son humilité. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande cet excellent article de Ben Horowitz.

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Après l’échec retentissant avec notre ancien VP Sales, nous n’avions pas le droit à l’erreur sur le recrutement du COO. C’était la pièce maîtresse du puzzle, alors nous devions mettre toutes les chances de notre côté. Nous avons donc benchmarké quatre cabinets spécialisés dans la chasse d’Executives, puis retenu le meilleur : Lucena Executive Search, fondé par Isabelle Cailler. Nous avons conçu ensemble la “skills matrix” du futur COO, un document de 10 pages expliquant dans le détail les enjeux du poste, ainsi que le process de recrutement suivant :

  • 1er screening par Isabelle

  • Entretiens séparés avec les trois fondateurs

  • Entretiens séparés avec le board

  • Étude de cas (audit de comet)

  • Entretiens avec les membres de l’Executive Team

  • Entretiens avec certains membres de l’équipe

 
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🏁 Looking for Éric

 

Première bonne nouvelle : nous avons été surpris de voir que comet et le poste proposé puissent éveiller autant d’intérêt chez des profils aussi expérimentés. J’ai rencontré une quinzaine de candidats de haut vol qui avaient passé l’étape de screening par Isabelle. Fin décembre 2018 (soit un mois après le board), nous avions déjà trois “finalistes” arrivés au bout de notre long process de recrutement. Parmi ceux-ci se trouvait celui qui allait devenir le nouveau capitaine du vaisseau comet : Éric Didier.

Ma rencontre avec Éric restera gravée dans mon histoire personnelle. Père de famille, entrepreneur accompli et passionné de voile, il venait de rentrer dans le sud de la France après avoir passé les cinq dernières années dans la Silicon Valley. Celui-ci a fondé pas moins de cinq start-ups et accompagné de nombreuses entreprises Tech sur des problématiques Sales, Produit, Marketing, Customer Success, et même Management de Crise.

Si son track recordétaitdéjà impressionnant en soi, c’est sa personnalité et son pragmatisme qui nous ont convaincu à l’unanimité qu’il était la personne que nous attendions. Fin janvier, c’est la victoire : Éric accepte notre offre et démarre dans la foulée en tant que COO. La prise de poste très attendue de ce nouveau géant marquera le début d’une nouvelle ère pour comet.

Un immense merci à Isabelle Cailler sans qui nous n’aurions pas pu réussi le tour de force de recruter notre nouveau capitaine… en seulement deux mois !

 

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Q1 2019 : “All Hands On Deck!”

 

Si l’après-Série A a pu nous rendre aveugles, l’arrivée d’Éric nous a rendu la vue. Dans son audit de comet, celui-ci a su pointer les faiblesses qui nous ont tiré vers le bas ainsi que les forces que nous n’utilisions pas. Mais c’est dans le passage à l’action que celui-ci m’a le plus impressionné. L’aboutissement de son analyse sera une réorganisation profonde de comet, avec pour mot d’ordre :“All Hands On Deck”. 🙌

La raison d’être de cette réorganisation est de tourner l’intégralité de l’équipe vers un objectif unique : trouver un maximum de missions pour les freelances de la communauté, et ainsi renouer avec la croissance. Toute tâche ne générant pas de revenus n’était plus considérée comme une priorité.

Éric explique cette démarche par son“goût des choses simples”. Bien plus que le slogan d’une marque de jambon, cette expression résume en tout point son approche face à chaque problématique. Et c’est précisément le remède dont nous avions besoin.

🔦 L‘organisation passée au scanner

 

La réorganisation initiée par Éric marquera également l’arrivée de la data au cœur de notre processus de prise de décision chez comet. Cela nous a permis d’identifier et corriger de nombreuses incohérences.

→Sales/Ops

  • 80% des missions étaient réalisées avec des start-ups, ce qui représentait un effort chronophage pour une maigre récompense : moins de 20% de nos revenus.
  • Un déséquilibre existait également entre le faible nombre de Sales — après quatre départs au dernier trimestre 2018 — et le grand nombre de personnes aux Opérations.
  • Sur une soixantaine d’employés, la responsabilité de la génération de leads qualifiés était concentrée entre les mains… d’une seule personne.
  • Enfin, notre obstination à vouloir absolument faire passer des clients grands comptes par notre front-end a été pour eux une source de frictions.
     

→Product/Tech

Notre organisation en “galaxies” (inspirée du modèle de squads par Spotify) s’articulait autour des trois volets de notre activité : les entreprises, les freelances et le matching. Si ce modèle peut sembler logique au premier abord, celui-ci signifie que les deux tiers de notre équipe R&D ne contribuaient pas directement à l’augmentation de nos revenus.

Pour sortir de ce cercle vicieux, nous avons déconstruit tout le cycle de mise en relation pour aboutir à une organisation par métrique :

  • Équipe 1 :Réduction du temps de création de mission

  • Équipe 2 :Accélération du matching entre missions et freelances

  • Équipe 3 :Amélioration de la qualification de la communauté

  • Équipe 4 :Accélération de la phase de contractualisation

💥 ACTION !

 

La mise en place de tous les capteurs par l’équipe Data en amont de l’arrivée d’Éric a accéléré toute la phase d’analyse. Cela nous a permis de réagir très tôt dans le trimestre et d’itérer vite quand cela a été nécessaire. L’approche pluridisciplinaire propre au background d’Éric s’est révélée cruciale dans la mise en place de la nouvelle organisation. En voici les principaux rouages :

  • Constitution de trois “ruches” (1 Sales Account Executive + 1 Account Manager + 1 Sales Development Representative) indépendantes et polyvalentes, avec des spécialistes de la chasse, de l’élevage et de l’upsell.

  • Ces ruches seront désormais au centre de l’organisation : les autres équipes doivent les aider (ex : Marketing pour la génération de leads) ou résoudre leurs problèmes (ex : Produit/Tech pour le matching, Finance avec l’évolution du modèle juridique).

  • L’équipe Opérations sera divisée en deux, avec une partie de l’effectif intégrée dans les ruches et une autre — renommée Factory — dédiée au matching entre missions et freelances.

  • Fin mars, nous démarrons une expérience qui se révélera décisive en Q2 : une des trois ruches jouait le rôle du “client du produit”, devenant utilisatrice de notre front-end.

  • Les recrutements sont gelés tant que nous n’apprenons pas à mieux travailler ensemble. Les rares exceptions concerneront bien sûr les “géants” indispensables à la construction de l’avenir de comet.

  • Corentin, notre Chief of Staff, devient le lien fort entre l’Executive Team et toute l’équipe comet. Celui-ci aura un rôle de facilitateur et conseiller, dans un moment où la remise en question est permanente. Avec Virgile, il sera un véritable gardien de la culture exceptionnelle de comet.

 

Bilan Q1 : prêts pour la remontada !

 

La transformation de comet à la fin du trimestre est impressionnante. L’expérience d’Éric ne s’est pas seulement matérialisée dans ses qualités managériales, mais aussi dans sa prise de chaque sujet, chaque discipline, à bras le corps : Sales, Marketing, Produit, Opérations et même Legal. Son approche pluridisciplinaire couplée à son raisonnement par lesprincipes premierspermettront à chaque équipe de s’aligner autour d’un objectif essentiel : avoir un impact sur les revenus de l’entreprise. Il est le“Wartime COO”dont comet avait besoin pour se réinventer sur des bases saines.

Le premier trimestre de 2019 sera également marqué par la signature d’Élodie Nalis (encore merciPierre-Éric! 😊), qui nous rejoindra en tant que CFO fin avril. Nous pourrons compter sur son expérience de haut vol dans ce rôle chez Linkfluence, avec des responsabilités à échelle mondiale, ainsi que plusieurs ouvertures de pays et acquisitions à son actif. Après Éric, ce nouveau recrutement à un poste-clé sera un message très motivant pour l’avenir de comet — mais aussi pour notre attractivité auprès de A-players.

Key Learnings

 

  • Dans la phase 2 d’une start-up, le CEO est “Company-Builder-In-Chief”. Les membres de l’Executive Team deviennent les nouveaux “Doers-in-Chief”.
  • Une scorecard étant valable entre 9 et 12 mois, le rôle des employé de la première heure — et même des fondateurs — peut changer radicalement d’une phase à l’autre. Je n’oublierai jamais l’humilité de Valentin face à la nécessité de recruter un nouveau COO.
  • Devenir “data-driven” est très difficile (on y travaille toujours), mais c’est aussi la meilleure façon d’éviter les erreurs. La prise de recul est la meilleure façon de les corriger.
  • Le CEO est le garant de la vision, de la culture et de l’alignement de l’équipe : trois éléments qui permettent à une start-up d’attirer et garder des individus exceptionnels.
  • Enfin, la distinction “Peacetime vs. Wartime” est une notion fondamentale à intégrer en tant que CEO.
     

Je vous dis à très bientôt pour la Partie III ! Celle-ci sera dédiée aux résultats de la réorganisation d’Éric et au retour de la croissance. Vous pouvez me suivre sur Twitter et LinkedIn pour être avertis dès sa publication.

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— Cet article a été écrit avec l’aide deBenjamin Perrin, merci à lui !